Sa voix a tremblé. Comme jamais. De tactique, il a bien peu été question lors de l’ultime conférence de presse de la saison. Ce moment, c’était celui de Patrice Canayer. La dernière conf' d’un monument du sport français. La dernière d’un homme qui aura donné 30 ans de sa vie au club. Pour récolter 42 trophées. Et bien plus encore. « C’est une belle histoire avec beaucoup de liens. J’oserais dire des liens d’amour. »
Après un quart d’heure à remercier tous ceux qui l’ont accompagné sur le chemin de la réussite, l’émotion l’a rattrapé, presque submergé. « Toute ma carrière, j’ai essayé de maîtriser le plus possible ce genre d’émotions, sourit-il. Parce que c’est ce qui fait la différence dans le domaine de la haute performance. Avant de le demander aux joueurs, j’ai essayé de les maitriser moi-même ». C’était un peu trop en demander au moment de saluer les journalistes, les dirigeants, les actionnaires, les membres du club, les salariés, qu’ils soient joueurs ou pas, les supporters des équipes adverses – « ceux de Montpellier, je le ferai vendredi ». Avec un hommage appuyé à Georges Frêche, l’ancien maire et président de l’agglomération. « C’est lui qui m’a fait basculer. A chaque fois que j’ai signé un nouveau contrat, je suis allé le voir. Il avait une vision stratégique et politique de ce qu’était un club dans un ville et une métropole ».
Parce que le moment l’y obligeait, l’entraîneur s’est retourné, un peu, sur le passé. Un exercice qu’il abhorre. « Chez moi, il n’y a pas de photo, rien qui me rappelle le handball, si ce n’est une sculpture d’un ami. Je ne le fais jamais. Je n’aime pas ce sentiment de nostalgie, de retour en arrière ». Alors les autres ont parlé de ces 30 ans pour lui.
Les journalistes l’ont longuement applaudi, dans un moment rare et sincère. Le président Julien Deljarry, aussi. « J’ai le sentiment que l’on ne fera jamais assez d’hommages qui pourrait récompenser trente ans d’investissement et de résultats exceptionnels. Les liens sont indéfectibles, à vie, entre Patrice et le Montpellier Handball ». Mais aussi André Deljarry, actionnaire du Montpellier Handball. « Merci pour ce que nous avons fait ensemble », évoque celui qui fut un soutien décisif quand le club a fortement vacillé après l’affaire des paris, dont le MHB fut la première victime. « Venir au FDI Stadium, c’est vivre à chaque fois de fortes passions. Patrice Canayer nous a fait partager un grand bonheur. Je tenais a être présent aujourd’hui pour rendre hommage à ce grand homme ».
Ou encore le capitaine Valentin Porte. Lui aussi très touché. « Je suis venu à Montpellier en 2016 à 80% pour Patrice Canayer. Ce que je voyais quand j’étais à Toulouse, ce qui se dégageait de ses équipes, ça me plaisait. Il n’y a pas un jour où je me lève sans avoir énormément de respect pour lui, pas un jour où je regrette mon choix. C’est un grand honneur d’avoir été coaché par Patrice. Il m’a beaucoup aidé en tant que joueur et a été une inspiration pour moi en tant qu’homme ».
Vendredi, l’homme aux 42 titres va s’installer une derrière fois devant le banc du Montpellier Handball. Le FDI Stadium va lui faire la fête à la hauteur du monument qu’il est. A la hauteur de cette magnifique histoire. « J’arrivais en fin de contrat, je suis allé au bout de mes engagements. Je remercie tous les membres du comité directeur de m’avoir donné l’opportunité de continuer au Montpellier Handball, mais j’ai jugé qu’il fallait que l’histoire s’arrête à un moment donné, explique-t-il. Les 40 ans du club, mes 30 ans au club, c’était le bon moment. J’ai le privilège immense de pouvoir finir dans la joie et les sourires alors que l’on sait bien que nos métiers se terminent souvent mal. Il faut savoir bien clôturer les histoires. »
Et regarder sereinement la suite. « J’arrive à un moment de ma vie, de ma carrière, où j’ai d’autres envies, d’autres projets. A mon âge, si je ne le fais pas maintenant, je ne le ferai jamais. J’ai vécu un métier extraordinaire, cinq ans au Paris saint-Germain, puis trente ans au Montpellier Handball. Ca m’a amené beaucoup plus que ce que je pouvais croire, j’ai été gâté par le vie. Il faut savoir être reconnaissant et ne pas aller trop loin. » Standing ovation, monsieur Canayer.